Dans un article récent, je décris comment mes interactions avec les Premières Nations, en tant que PDG de l’Agence provinciale de services de santé à Vancouver, a changé non seulement la manière dont je vois les choses mais aussi ma façon d’apprendre. Un défi de taille lorsque l’on amorce la transformation de comment on voit le monde est de prendre acte des enjeux qui deviennent plus apparent au fur et à mesure. Cela peut parfois être très troublant puisque les enjeux qui se révèlent peuvent avoir préexistés depuis très longtemps. Un de ces enjeux est le racisme systémique envers les Peuples Autochtones en général et plus spécifiquement les différentes formes qu’il peut prendre au sein des systèmes de santé. Alors que je cheminais moi-même dans cet apprentissage, une prise de conscience plus globale envers le racisme systémique en santé et dans notre société se développait aussi à travers le pays.
À l’été 2020, une allégation en lien avec un jeu potentiellement raciste associé au système de santé en Colombie-Britannique a été médiatisée. Cette nouvelle a suscité le déploiement d’une enquête indépendante qui a produit le rapport “In Plain Sight” . Ce rapport a révélé une réalité troublante qui a alimenté le processus d’apprentissage de plusieurs personnes, moi inclus. Le rapport a confirmé que des efforts significatifs étaient nécessaires pour s’assurer que les droits de tous soient protégés et que les Peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits devraient piloter un processus conjoint par lequel des mesures appropriées pourraient être mises en place pour assurer la sécurité culturelle du système de santé. Alors que cela se passait en C.-B. par rapport au système de santé, d’autres enjeux et tragédies associés au racisme systémique allégué envers les Peuples Autochtones étaient mis en lumière dans les médias à travers le Canada. De toute évidence, plusieurs choses avaient été occultées dans notre société depuis beaucoup trop longtemps par rapport à la sécurité culturelle; et pas seulement dans les soins de santé.
L’argument principal ici n’est pas de simplement passer en revue les nouvelles et les enjeux rapportés afin de mieux prendre acte de ce que tout cela signifie. L’argument principal est de souligner que la prise de conscience est seulement le point de départ. Le pas significatif à prendre est de déterminer comment corriger le tir de manière satisfaisante et sécuritaire pour dès maintenant amorcer le virage concrètement. Mais comment aborder le développement de solutions pour des enjeux et problèmes qui ont été laissés à eux-mêmes depuis si longtemps? Comment le faire de manière respectueuse pour tous? Et de manière conséquente avec tout ce que peut exiger tous les besoins impliqués? Tout le monde n’est pas nécessairement au même stade dans le processus d’acceptation et d’apprentissage. Comment créer un momentum pour améliorer la situation en évitant de pousser trop fort ou de faire l’erreur de ne pas pousser assez fort? En somme, comment changer une culture qui s’est développée consciemment et inconsciemment sur une longue, très longue période de temps?
Le racisme systémique, qu’il soit reconnu comme tel ou à travers diverses formes de reconnaissance, n’existe pas seulement dans les soins de santé. Nous le savons tous. Et les horribles histoires sur les pensionnats autochtones qui ont récemment été révélées au grand jour confirment que le défi auquel nous faisons face collectivement revient à aider notre approche de société à évoluer non seulement par rapport à la prise de conscience mais aussi eu égard au comportement. Il ne s’agit pas d’une mince affaire. Un changement culturel de cette envergure peut prendre beaucoup de temps à porter ses fruits. Les experts suggèrent que les stratégies à long-terme sont optimales. Tout en reconnaissant que beaucoup de temps est requis pour opérer un changement complet, je suggère néanmoins de considérer une approche de base pour actualiser des changements sans délai et ce, même si ces changements ne sont que de petits pas.
Tout changement culturel est ultimement enraciné dans comment chacune des personnes impliquées dans celui-ci le perçoit; devient consciente et accepte les raisons sous-jacentes qui le rendent nécessaire; et, en tout premier lieu, pose des gestes concrets envers son actualisation. L’action, n’importe quelle action, est essentielle et toute action collective est issue des actions individuelles. Les petits gestes simples sont très puissants. C’est dans ces petits pas que les changements culturels trouvent leur momentum : l’engagement individuel. Les petits gestes qu’un individu peut poser comptent. En fait, ils comptent vraiment de manière importante car ces petits gestes s’amalgament avec ceux des autres et, tout à coup, il y a une masse critique de petits pas suffisante pour générer l’élan du changement qui peut ainsi être perçu et senti. Cet élan devient ainsi un incitatif pour que d’autres se joignent aux efforts et le changement culturel s’ensuit.
Il n’y a pas de recette magique pour le changement de culture. Je crois que le racisme systémique, reconnu ou non par les gouvernements, nous interpelle tous à faire un effort collectif visant à changer les choses. Cela commence par notre propre processus individuel d’apprentissage, de développement de conscience et puis d’engagement envers des actions concrètes. Alors que j’apprenais sur les Premières Nations lors de mon séjour à Vancouver, ma prise de conscience a été magnifiée par l’émergence concurrente de faits démontrant que quelque chose d’inadmissible est survenu et continu d’exister. Bien évidemment, une approche structurée et institutionnalisée doit faire partie de la solution.
Je vous soumets néanmoins la pensée que le plus important ingrédient d’un changement culturel est notre engagement individuel envers celui-ci. Même si parfois l’on peut penser que notre petite contribution individuelle ne fait pas une grosse différence, c’est tout le contraire. Par exemple, le simple fait d’écrire sur le sujet est un petit pas. Ce n’est peut-être pas beaucoup et c’est probablement imparfait. Mais cela reste néanmoins une action, si petite soit-elle, qui vient de mon engagement. Et vous? Que pensez-vous qu’une contribution individuelle devrait / pourrait être? Croyez-vous que ce que vous faites individuellement peut faire une différence? Écrivez-moi vos commentaires et idées @ blogbenoitmorin@gmail.com. Vos actions comptent et vos réflexions seront une belle matière première pour de prochains articles…
En attendant, portez-vous bien et soyez heureux.
B.