Devenir un PDG
La révélation du premier mandat
C’est en 2012 que j’ai été nommé pour la première fois directeur général (PDG) d’une organisation de services en santé, soit le Centre de santé et de services sociaux de l’ouest de l’île (Montréal), voir sur LinkedIn. Il s’agissait d’un centre qui avait été créé suite à la fusion de services locaux de première ligne, hospitaliers et de longue durée. Son budget s’élevait à presque 200M$ et il y avait 3000 employés dédiés qui y travaillaient. L’intégration souhaitée n’a pas fonctionné tel que prévue et l’organisation traversait une crise majeure. À peu près tout était à faire ou refaire pour parvenir à l’intégration souhaitée et pour trouver la voie pour offrir les services de cette manière. La portion hospitalière de tous les services était, comme c’est le cas habituellement, la pierre angulaire de l’attention. En l’espace de trois ans, nous avons transformé l’organisation. J’utilise le “nous” car il s’agit de la clé de cette transformation: le travail d’équipe, l’implication avec les gens concernés et une approche par étapes pour mobiliser et suivre le progrès à partir d’indicateurs pertinents et consensuels. L’élément humain est devenu mon point de focalisation principal comme leader.
Dans la foulée de mon premier mandat comme PDG et ma conviction raffermie par l’expérience de l’importance fondamentale de l’élément humain pour le leadership, j’ai décidé de suivre une formation d’une année sur la « pleine conscience ». La formation « Complexité, conscience et gestion » offerte par la Faculté de gestion de l’Université Laval a été un point tournant pour mon développement comme leader de systèmes de santé. Cette formation, suivie en même temps que je vivais mon premier mandat comme PDG, m’a permis d’approfondir ma connaissance de moi-même et de l’utilisation de qui je suis comme levier de leadership. Le programme a aussi stimulé mon développement comme leader humaniste, ce qui a été renforcé par le succès obtenu dans la transformation de l’organisation à partir d’un engagement sincère et d’une mobilisation réelle. Cette première expérience de PDG jumelée à la formation « pleine conscience » fut charnière pour mon évolution comme PDG.
Les années qui ont suivi se sont inscrites dans cette foulée et m’ont offert une plus grande diversité d’expériences, de succès et de revers que j’ai utilisé pour enrichir ma démarche de pleine conscience. Avec le temps et aussi ma propre façon d’aborder la réalité et dire les choses pour ce qu’elles sont, la pleine conscience est devenue pour moi une façon d’être et de grandir comme humain et comme leader. Cette approche trouvait aussi un écho dans mon intérêt assumé pour les faits épurés (ou crus) et l’épreuve de la réalité à partir de tels faits. À mon sens, un de nos plus grands défis dans la vie et particulièrement comme leader est de voir la réalité pour ce qu’elle est, sans filtre, et de la gérer telle quelle. Cela peut paraître simple. Ce ne l’est pas.
Ce processus d’épuration des faits représente néanmoins un matériau de base nécessaire au leadership pour pouvoir créer un bon contact, mettre en forme une vision, mobiliser par rapport à celle-ci et livrer de la bonne manière. Avoir le courage de faire face à soi-même et d’épurer la distorsion qui vient de nos biais, personnalités, préférences et autres, qu’ils soient conscients ou non, est fondamental. Ma pleine conscience a progressé en ce sens et s’est graduellement consolidée dans ce que j’appellerais une « pleine conscience épurée » (ou « crue »). Mon style de gestion s’est actualisé à partir de cette source. D’avoir le courage de se regarder en face pour comprendre et saisir de manière factuelle ce qui est vraiment n’est pas simple. Le capitaine Jack Sparrow dans le film Pirates of the Caribbean décrit ce défi comme suit: « Le problème n’est pas le problème. Le problème est votre attitude par rapport au problème. Comprenez-vous ? ». Cela mérite réflexion… ne trouvez-vous pas ?
Piloter une réforme majeure dans un système de santé
Un nouveau gouvernement québécois a été élu en 2014 et s’est immédiatement mis à travailler sur un projet de réforme majeure du système de santé, réforme qui a été concrétisée au début 2015. Des fusions majeures d’organisations ont été faites et j’ai été nommé PDG du nouveau Centre intégré de l’ouest de l’Île de Montréal qui regroupait huit organisations et missions distinctes. Le nouveau centre ainsi créé était de taille significative, dans le contexte, avec un budget opérationnel de plus de 1B$ et 10,000 employés.
La réforme fut déployée de manière rapide et les structures historiques, les indicateurs de gestion du personnel et les processus de gestion ont été littéralement transformés du jour au lendemain (1er avril 2015). Ce faisant, de nombreux défis d’intégration ont émergé en même temps alors que les structures de gouvernance historiques ont aussi été dissoutes pour permettre la formation de nouveaux conseils d’administration qui n’ont été mis en place qu’après la première phase de la réforme. En tant que PDG, mon mandat était de gérer tous les défis de gestion et d’assumer toutes les responsabilités exécutives et de gouvernance afin d’actualiser la nouvelle organisation, incluant l’intégration des ressources humaines, des systèmes, des finances et des programmes de services à la population.
Ce fut tout un défi mais nous avons réussi. J’utilise le « nous » puisque, encore une fois, les ingrédients clé ayant mené au succès ont été la formation d’une équipe, la gestion de l’humain et la mobilisation envers le développement et la réalisation d’une vision commune. Nos objectifs étaient simples et complexes à la fois: configurer et déployer des programmes de services pour offrir aux patients et usagers de meilleurs services, plus rapides et mieux intégrés. En trois ans, les ambitions ciblées de la réforme furent en majorité atteintes et nous avons été en mesure de mettre en branle des projets majeurs d’infrastructure qui assuraient la consolidation des services pour le futur.
Après avoir traversé des périodes difficiles et relevé de nombreux défis à la tête du Centre de santé de l’ouest de l’Île de Montréal, j’étais fier du travail que nous avions accompli. Le mandat avait été rempli, bien rempli, et mes habiletés de gestionnaire avaient maturées dans mon propre style de leadership. Je me sentais bien outillé comme leader et l’appel de l’exploration d’autres horizons se faisait sentir pour poursuivre mes apprentissages et continuer de grandir.
Élargir mon expérience, mes compétences et ma pleine conscience épurée comme PDG
Après un bref mandat à Héma-Québec (la banque de sang et de tissus humains pour le système de santé du Québec) qui était d’intérêt pour sa perspective provinciale et pour son mandat en périphérie du système de santé et de la gestion des services à la population, j’ai transité vers la Colombie-Britannique pour me joindre à son Agence provinciale des services en santé en tant que président-directeur général. Une occasion stimulante de pouvoir assumer un leadership à partir d’une perspective provinciale du système de santé.
Je me suis joint à l’organisation tout juste avant que la crise pandémique de la covid-19 nous frappe… Je faisais alors face à non seulement les multiples défis qui découlent d’un nouveau mandat, d’un nouvel environnement et d’une nouvelle vie à placer, mais aussi aux défis suscités par une des plus graves crises mondiales du dernier siècle. Malgré tout, encore une fois, je me suis rabattu sur mon style de leadership et une approche par étapes pour m’investir pleinement et naviguer les eaux troubles de la première vague de la pandémie qui fut la plus dramatique sur le plan humain et puis la deuxième vague qui suivit à l’automne. Quel privilège d’être au front de ce combat significatif contre la pandémie ! Et quel défi incroyable ce fut… Mais nous avons réussi à contenir les conséquences dramatiques de la première vague et à se préparer pour être solidement prêts pour gérer la deuxième et troisième vagues. Nous étions prêts et nous avons livré ce qui peut être considéré comme un succès malgré les regrettables conséquences humaines à déplorer.
Malheureusement, un succès peut parfois coûter cher et être plutôt perçu, malgré tout, comme un revers. Une décision critique concernant un contrat d’achat d’équipements de protection personnelle que j’ai prise durant la première vague n’a pas produit les résultats escomptés. L’enjeu est devenu politique, ce qui m’a amené à quitter. J’ai été complètement exonéré de tout blâme de mauvaise gestion mais en tant que PDG, je devais prendre mes responsabilités car cela fait parti du rôle. C’est ce que j’ai fait. Cependant, même si ce contrat n’a pas produit tous les résultats escomptés, la décision d’aller de l’avant avec celui-ci faisait partie du combat tout comme de nombreuses autres décisions. Et il a quand même produit certains résultats utiles qui ont contribué, comme le reste des efforts, à ultimement déployer une gestion de la pandémie qui a été largement reconnue comme ayant été excellente. En ce sens, si je me retrouvais encore une fois dans des circonstances similaires tout en sachant les conséquences pour moi personnellement à l’avance, je prendrais les mêmes décisions car dans le contexte, elles étaient les plus pertinentes. Et bien sûr, j’assumerais mes responsabilités par la suite car cela fait partie du rôle d’un PDG.
Mon expérience comme PDG de l’Agence provinciale des services en santé a été très enrichissante. Ce fut un privilège de servir durant l’un combats les plus critiques et les plus surréalistes des temps modernes dans les systèmes de santé, soit la crise pandémique. J’ai acquis une expérience inestimable à l’intérieur de si peu de temps. Même si j’aurais souhaité quitter dans des circonstances différentes et d’une autre manière, la richesse de l’expérience, des compétences et de la pleine conscience que j’ai acquises à la tête de l’Agence provinciale de santé durant la pandémie est exceptionnelle. Je le ferais à nouveau sans hésiter. Un revers est, pour moi, une occasion d’apprendre et de grandir. Même si le revers peut faire mal et me mettre au défi, je l’utilise comme levier pour m’améliorer comme humain, comme professionnel et comme leader.
Quelle sera la suite?
Être utile et contribuer a toujours été ma source principale de motivation. Avec l’éventail des compétences et de l’expérience que j’ai comme gestionnaire exécutif des systèmes de santé, j’anticipe avec enthousiasme d’explorer de nouveaux horizons et de nouvelles façons de contribuer. C’est ce qui est à l’origine du développement de ma pratique de consultation en gestion stratégique et de mon intérêt à aider des gestionnaires exécutifs émergents, à atteindre leur plein potentiel à travers du coaching. La vie est remplie de surprises et je l’aborde toujours avec un esprit ouvert.
Alors que je réfléchissais sur mon parcours et mon développement comme leader des systèmes de santé, j’ai commencé à mettre les morceaux du casse-tête en forme pour réaliser qu’il pourrait être utile de partager ce que je vois, ce que je connais, ce que je pense des systèmes de santé en général, du leadership dans ce contexte et des multiples questions qui se posent lorsque nous faisons l’expérience d’un système de santé ou que nous nous penchons sur ceux-ci pour y réfléchir. C’est ainsi que l’idée de créer un blogue sur la santé et ses systèmes a émergé et m’a motivé. Alors le voici… bonne lecture !