Ce fut toute une scène de voir le premier ministre de l’Ontario s’émouvoir lors d’une conférence de presse durant la troisième vague de la pandémie en mai 2021. Un homme qui a une réputation de politicien endurci. Un leader du parti conservateur habitué à tenir la barre de main ferme et avec une approche déterminée envers les décisions difficiles et leur actualisation. Qu’est-il arrivé? Il a pris des décisions qui se sont avérées être mal avisées et qui ont généré des effets indésirables découlant de mesures trop strictes pour gérer la pandémie. Il a été critiqué sévèrement et publiquement. Sa réaction émotionnelle fut captée par la caméra et est devenue plus virale qu’il ne l’aurait probablement souhaité. Mais en vérité, caméras ou non, les émotions étaient aussi volatiles pour tous durant la pandémie. Personne n’a été épargné. Les leaders politiques et tous les leaders en santé étaient sur la sellette. Bien évidemment, des erreurs ont été commises. En faisant le post mortem, plusieurs souhaiteraient pouvoir rediriger le tir de certains moments. Nous savons tous qu’un regard en arrière génère une visibilité parfaite dans l’après-coup, une vision 20/20…
Après avoir traversé une des plus grandes crises mondiales des cent dernières années, nous pouvons maintenant constater que nous sommes passés d’une gestion de crise à une gestion normalisée d’une menace connue. Cette situation plus stable nous permet d’analyser et de formuler des points de vue sur la qualité de la gestion de la pandémie et de ce qui aurait pu ou aurait dû être fait autrement. Un aspect très important de cette gestion qui est présentement passer sous crible est le rôle que nos leaders politiques ont joué et continuent à bien des égards de jouer. Ont-ils bien performé? Ont-ils été trop audacieux? Ou pas suffisamment? Certains affirment que non, certains affirment que oui et la plupart se limitent à cibler des éléments spécifiques qui les rendent inconfortables ou avec lesquels ils sont en désaccord comme par exemple les limites imposées sur notre liberté. Il est tout à fait normal et justifié de vouloir critiquer. Cependant, il est probablement aussi justifié d’affirmer que de critiquer les failles de la gestion de la crise est plus facile que de reconnaître à quel point il peut être difficile, voire impossible, d’être à la barre du navire avec une telle pression. Voguer paisiblement dans une tempête n’est pas possible…
Sommes-nous à même de s’imaginer l’expérience vécu à la barre lorsqu’une tempête de l’envergure de la covid-19 frappe? Tout ce que nous savions et nos points de repère changent du jour au lendemain. Le monde semble imploser partout autour de nous. Les gens courent dans tous les sens portés par la peur ou pour aller acheter du papier de toilette. Les marchés boursiers dévissent. Le nombre de cas augmente rapidement. Le téléphone sonne 24/7. Les cellules de gestion de crise se mettent en place. Les connaissances scientifiques sur le virus sont fragmentées et évoluent quotidiennement. La désinformation se propage comme un feu de brousse poussé par un vent fort. D’une réunion à l’autre, les mêmes questions sont soulevées: que savons-nous? Quelle est l’évolution de la crise? Combien de décès à déplorer? Que faisons-nous? Et puis viennent les mises à jour avec les médias, les conférences de presse, les questions qui n’ont pas encore de réponse claire… D’être un leader politique à la barre du navire lorsqu’une telle tempête frappe teste les nerfs même les plus solides car chaque décision peut avoir des conséquences significatives.
Même s’il est nécessaire de prendre acte de ce qui s’est passé en repassant les erreurs commises afin d’en tirer des leçons, il semble justifié de reconnaître que nos leaders élus ont offert le meilleur d’eux-mêmes dans des circonstances extrêmes; que cela soit jugé suffisant ou non. La pandémie a par ailleurs généré des enjeux bien au-delà de la menace qu’elle représente pour la santé des gens: un retard accumulé dans les autres soins de santé qui ont été mis sur pause à cause de la pandémie, une économie qui est déréglée en profondeur, les dettes nationale et provinciales qui ont explosé, la mobilité internationale qui est encore restreinte et un climat social exacerbé. Il n’est certes pas aisé d’être un leader politique dans un tel contexte… Mais ne vous trompez pas: la politique est la politique et elle va continuer d’être de la politique. J’avance simplement qu’il me semble opportun de distinguer, à tout le moins partiellement, la gestion de la crise pandémique d’avec la politique en tant que telle même s’il faut reconnaître que l’une est dans l’autre… Avons-nous été témoin d’une démonstration de courage, au sens pur du terme, à la barre politique durant la pandémie? Possiblement que oui selon certains et que non selon d’autres. Je présume que la réponse relève de l’opinion personnelle de chacun d’entre nous et ce, peu importe la nature de la bête politique qui ne changera probablement jamais. C’est d’ailleurs pour ce dernier fait que nous gardons une bonne dose de réserve et que nous avons eu droit à des élections opportunistes en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse et maintenant au niveau fédéral. La politique demeure la politique. Mais quand même…
Lorsque nous faisons le point sur la crise pandémique, nous pouvons très certainement critiquer ou questionner le leadership de nos gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux pour ce qu’ils ont fait ou n’ont pas fait. Il y de nombreuses bonnes raisons de le faire. Il reste cependant qu’en toute honnêteté, nous pouvons le faire tout en reconnaissant la difficulté des circonstances dans lesquelles nos leaders devaient prendre leurs décisions et en essayant de mieux les comprendre. De le faire pourrait se traduire par un apprentissage utile. Cela pourrait aussi nous montrer nos leaders élus, et peut-être par le fait même nos leaders non-élus, sous un autre jour. D’être à la barre du navire en pleine tempête n’est pas facile. Il n’est pas possible de voguer paisiblement en pleine tempête. Le leadership est une bête complexe à apprivoiser. D’approfondir ce qui constitue le fondement d’un bon leadership pourrait certainement susciter des débats passionnants. Ceux-ci mériteraient notre attention mais il s’agit d’autres pistes de réflexion intéressantes pour de prochains articles…
En attendant, portez-vous bien et soyez heureux.
B.