La pandémie a frappé fort au début de 2020. Tellement fort qu’elle nous a donné une impression de fin du monde : les pays se refermaient sur eux-mêmes, les marchés boursiers plongeaient dans un précipice et les gens apeurés s’entremêlaient dans un sauve-qui-peut généralisé. Les systèmes de santé étaient en mode de gestion de crise. Tous les efforts étaient mobilisés pour se battre contre le virus; contre sa dissémination et ses conséquences. L’augmentation de la capacité d’agir et le déploiement de mesures de mitigation étaient essentiels au succès, ce qui s’est traduit par un ralentissement significatif du fonctionnement régulier des soins de santé. Les chirurgies, les cliniques externes, les examens de dépistage et bien d’autres ont été suspendus ou réduits à un minimum afin de maintenir seulement les services les plus critiques et associés à une question de vie ou de mort. Tout le reste a cédé sa place au combat contre la pandémie. Bien évidemment, il s’agissait de la bonne chose à faire; si ce n’est la seule et unique option plausible. Mais ce faisant, avons-nous échappé quelque chose à travers nos efforts pandémiques?
En Colombie-Britannique, le nombre de cas critiques de cancer non détectés par mois a été estimé à environ 200 suite à la suspension des procédures de dépistage dans le contexte pandémique. Au Québec, une annonce a récemment été faite pour dire que l’éradication des listes d’attente de chirurgie occasionnées par la réduction pandémique de la productivité chirurgicale prendrait au moins deux ans à se compléter. Il est par ailleurs de plus en plus évident que des maladies graves ont été découvertes trop tard étant donné la crainte des gens d’aller consulter à l’urgence ou à leur clinique de proximité lors de la pandémie. Alors que nous voyons maintenant la crise céder sa place graduellement à un retour post-pandémique à la vie, les sociétés du monde entier prennent acte de l’ampleur des dommages et découvrent que non seulement la crise de la covid-19 a eu des conséquences graves directes, mais aussi que des dommages collatéraux significatifs peuvent être constatés. Des années seront vraisemblablement nécessaires pour surmonter le tout.
Le dérèglement de la chaîne mondiale d’approvisionnement est un bon exemple des dommages collatéraux que la pandémie a générés. Les maladies non-détectées ou n’ayant pas été adéquatement traitées ainsi que les listes d’attente aggravées dans les soins de santé représentent un autre exemple évident de dommage collatéral pandémique. En Ontario, les médecins ont estimé l’aggravation des listes d’attente à 16 millions de procédures médicales de toute sorte. Cela prendra du temps pour que les systèmes de santé puissent rattraper le tout et revenir à un état de situation pleinement fonctionnel. Avec du temps et de la persévérance bien appliquée, nous y arriverons.
Cependant, il ne sera peut-être jamais possible d’avoir la pleine mesure de tous les dommages collatéraux qui ont été générés par la pandémie en ce qui a trait à la santé des gens. L’absence de données exhaustives sur ceux-ci pourrait nous empêcher de répondre à une question importante : Est-ce que la pandémie a été plus dommageable directement ou indirectement? Il serait utile de pouvoir répondre à cette question afin de pouvoir (re)calibrer nos systèmes et afin d’éviter le pire dans l’éventualité où nous ferions à nouveau face à une crise d’une telle ampleur. Avons-nous répondu de manière équilibrée?
Bien évidemment, certaines statistiques en lien avec les listes d’attente sont déjà disponibles et d’autre données pour mieux comprendre l’impact de la pandémie sur la santé des populations seront colligées au fur et à mesure que la vie normale reprendra son cours. Cependant, il sera difficile de déterminer précisément la profondeur de cet impact pandémique. De nombreux cas échappent aux statistiques et ne sont donc pas répertoriés. Nous ne pouvons qu’estimer le nombre de personnes qui sont décédées du cancer, d’une maladie cardiaque ou de toute autre maladie potentiellement mortelle à cause qu’elles n’ont pas été diagnostiquées et traitées. Qui plus est, il y a de nombreux enjeux de santé qui ont pu être exacerbés, faute d’une capacité réduite de détection et de traitement, sans toutefois mener à un décès comme par exemple dans le cas des maladies chroniques ou de la santé mentale. La pandémie nous a laissé tout un héritage à gérer…
Alors que nous prenons connaissance de l’ampleur de ce que la pandémie nous a laissé comme défis à relever, nous serions mal avisés de ne pas considérer à leur juste mesure tous les dommages collatéraux qu’elle a générés. On se souviendra de la pandémie pour les conséquences dramatiques qu’elle a causées directement comme les sept millions de morts à travers le monde. Nous devons toutefois aussi reconnaître que son impact s’est fait sentir de manière beaucoup plus profonde au-delà de ses conséquences directes. Nous ne prendrons possiblement jamais la pleine mesure de ce que cela signifie en termes de statistiques mais force est d’admettre que la pandémie a révélé au grand jour de nombreux défis à relever au sein de nos systèmes de santé. Une des meilleures façons d’aborder ces défis est de les voir comme des occasions d’améliorer nos systèmes. D’approfondir le tout révélerait assurément de bonnes idées d’amélioration. Qu’en pensez-vous? Voyez-vous des occasions d’amélioration à partir de ce que la pandémie a révélé? Écrivez-moi pour me transmettre vos opinions et idées à : blogbenoitmorin@gmail.com. Elles susciteront la réflexion, j’en suis sûr, et alimenteront de prochains articles…
En attendant, portez-vous bien et soyez heureux.
B.