Les tendances démographiques négatives nord-américaines ont été misent en lumière depuis plusieurs années et sont reconnues par tous comme une menace potentielle. Ces tendances peuvent aussi être observées ailleurs dans le monde; là où la vague des ‘baby boomers’ s’est faite sentir; vague qui venait avec un creux démographique significatif dans l’après-coup. Nous y sommes. Maintenant. Ce phénomène affecte en profondeur la façon avec laquelle la société évolue et fonctionne. Plusieurs enjeux et défis en découlent comme par exemple la pression sur la croissance économique, les politiques d’immigration et la perte d’expertise due à l’incapacité de remplacer. Cela génère aussi un dilemme majeur pour le recrutement de personnel et ce, particulièrement dans le milieu de la santé. Qui plus est, au-delà des tendances démographiques défavorables, l’évolution des préférences générationnelles et plus récemment, bien évidemment, l’impact de la pandémie ont exacerbé le casse-tête de trouver, attirer et retenir le personnel qualifié.
En 2009, l’Association Canadienne des infirmières(ers) a publié un rapport avançant que les systèmes de santé Canadiens feraient face à un manque d’infirmières(ers) qualifiées(s) estimé à 60,000 pour 2022. Malgré cet avertissement précoce, l’écart n’a pas pu être comblé à temps. Par surcroît, la pandémie a généré un potentiel d’hémorragie encore plus grand étant donné que les infirmières(ers) ne font pas que laisser leur emploi à un endroit donné pour de meilleures conditions ailleurs, elles(ils) quittent la profession en tant que telle.
Le rapport de 2009 avance aussi des solutions potentielles pour régler le manque d’effectifs avant même qu’il ne se produise. L’augmentation des cohortes dans les programmes de formation infirmière, l’ajustement de la compensation et l’augmentation de la productivité infirmière sont quelques exemples des idées mises de l’avant. Des efforts furent déployés en ce sens, avec des résultats mitigés, mais les forces en présence que nous constatons maintenant exigent une action plus musclée. Le manque de personnel fait rage maintenant; et pas seulement pour les infirmières(ers).
Il est difficile de nos jours de recruter et retenir des médecins, des pharmaciens et bien d’autres professionnels de la santé. En plus du stress professionnel quotidien significatif qui vient avec ces métiers, d’autres facteurs détournent l’intérêt de joindre les systèmes de santé. Les facteurs usuels sont toujours présents, comme par exemple de meilleurs salaires offerts ailleurs, mais il y a maintenant aussi des facteurs induits par la pandémie qui font partie de l’équation. D’une part, de nouvelles contraintes émergent afin de gérer la pandémie comme l’exigence pour les professionnels de la santé de se faire vacciner; exigence qui a suscité de la résistance partout au Canada.
D’autre part, la pandémie a poussé les professionnels de la santé à leur limite et suscité une réflexion sur le bien-être, les affaires familiales et les préférences personnelles. Toutes ces dimensions recoupent aussi les différences générationnelles sur la manière d’aborder la vie professionnelle que l’on observe partout et que nous avons mentionnées ci haut. D’arriver à équilibrer les vies personnelle et professionnelle représentent maintenant une motivation importante, particulièrement au sein de la jeune génération; motivation qui nous amène à considérer des heures de travail réduites, une logistique de vie facilitée, un niveau de stress moins aigu, une plus grande autonomie et bien d’autres dimensions dans cette foulée. Que peut-on faire avec une telle donne?
D’explorer plus avant des approches créatives faisant sentir aux professionnels de la santé qu’ils sont compris du point de vue personnel coule de source et pourrait s’avérer être une démarche fructueuse afin de relever le défi de l’attraction et de la rétention du personnel. Par exemple, d’offrir un service de garderie au travail pourrait être plus attirant qu’un simple incitatif financier. Il ne serait peut-être pas facile de mettre en oeuvre une telle offre mais il n’y a aucun doute que cela aiderait les jeunes familles à considérer d’actualiser une passion pour une carrière dans le milieu de la santé tout en respectant leur engagement envers une vie familiale florissante.
Un autre exemple est d’explorer la possibilité de décentraliser la planification des horaires de travail. Cette possibilité est présentement considérée au Québec et ailleurs. Des horaires de travail autorégulés pourraient donner aux professionnels de la santé la flexibilité nécessaire pour gérer leurs affaires personnelles et leur niveau de stress. De donner plus de pouvoir aux décideurs de proximité afin d’accommoder les affaires personnelles sur une base régulière pourrait aussi s’avérer une stratégie gagnante pour stimuler la performance clinique.
En fait, ces approches créatives visent à gérer les conditions de travail à partir d’une vision de l’humain derrière le masque du professionnel de la santé et non pas juste le pourvoyeur de services. En ce sens, nous pourrions s’y référer en invoquant la notion de « gestion pleine conscience du personnel » afin d’explorer des façons de rendre la vie des gens plus gérables et agréables au travail avec l’objectif d’augmenter la capacité d’attirer du personnel et de le retenir. D’approfondir la réflexion sur cette notion serait certainement intéressant, n’est-ce pas? Laissez-moi savoir ce que vous en pensez @ blogbenoitmorin@gmail.com. Vos réflexions seront une belle matière première pour de prochains articles…
En attendant, portez-vous bien et soyez heureux.
B.