Est-ce que le leadership et la gestion consistent en une seule et même chose? La plupart des opinions convergent de plus en plus vers la négative. La gestion est considérée comme une science alors que le leadership est souvent décrit de manière plus subjective et avec un langage d’intelligence émotionnelle. Mais encore, n’est-il pas vrai que les gestionnaires devraient être des leaders et les leaders des gestionnaires? Ne sont-ils pas les deux côtés d’une même médaille? En fait, pas vraiment… Alors qu’il est possible de retrouver les deux incarnations dans une seule et même personne, un gestionnaire n’est pas nécessairement un bon leader et vice-versa. Mais alors, quelle est la différence?
Encore une fois, la gestion est principalement structurée en science. Cela est particulièrement évident lorsque l’on se penche sur les programmes de formation comme celui bien connu sous l’acronyme MBA. Son curriculum vise essentiellement à acquérir une connaissance des théories, modèles et outils ayant un ascendant scientifique comme les cinq forces de Porter pour la stratégie, les règles PCGR (GAAP) pour la comptabilité ou le cadre de référence du Harvard Negotiation Project et son livre de référence “Getting to Yes”. Être un bon gestionnaire s’inscrit dans la foulée d’une telle formation et consiste à utiliser nos connaissances validées et nos habiletés connexes pour gérer les affaires. À travers la gestion, nous structurons habituellement un chemin du point A au point B et naviguons les aléas du parcours pour nous assurer de se rendre. Ainsi, la gestion s’intéresse plus à structurer et faire les choses pour atteindre des objectifs définis.
D’un autre côté, le leadership est de plus en plus apparenté à un art plutôt qu’à une science. Il semble plus intimement lié à l’individu; à sa personalité, vision et façon de faire les choses. D’ailleurs, la façon avec laquelle les différents styles de leadership sont qualifiés est parlante à cet effet : leadership visionnaire, leadership inspirationnel et leadership pleine conscience sont quelques exemples parmi bien d’autres. Tous ces adjectifs s’alimentent, à la source, de notre intelligence émotionnelle et de ses attributs qui sont au coeur de qui nous sommes comme humains. Rarement allons-nous voir le leadership qualifié de “scientifique” ou de “logique”. Celui-ci s’appuie plus sur l’instinct, le caractère, les valeurs et l’intuition. Il peut être observé, être vécu par expérience ou émulé à partir d’un modèle mais il ne peut être quantifié dans un feuillet excel. Le leadership s’intéresse donc beaucoup plus à être ou à incarner quelque chose qui inspire, qui rallie à une cause et qui mobilise.
Dans la foulée de cette logique, la gestion peut difficilement être considérée de même nature que le leadership. Il y a un besoin énorme de capacité en gestion dans les soins de santé car ils requièrent de la rigueur, des compétences objectives ainsi que des protocoles structurant les actions et les processus. Sans une solide gestion, les soins de santé ne pourraient pas être de qualité ou même ne pourraient pas fonctionner du tout. Mais en même temps, les systèmes de santé ont, plus que jamais, besoin de leadership pour poursuivre la route. Nous en avons besoin pour mettre une vision en forme et mobiliser; pour incarner des valeurs claires; pour faire preuve de courage et prendre des décisions difficiles même si parfois cela nécessite de sortir des sentiers battus pour atteindre le succès espéré. De s’aventurer dans l’inconnu ne relève pas de la science exacte et les avancées s’appuient sur le leadership pour montrer la voie. Cela vient avec son lot de risques. La plupart des leaders ont été aux premières loges de cette expérience durant la pandémie et je n’ai pas fait exception. Plusieurs erreurs furent commises pour ouvrir la voie vers l’avant face à l’inconnu. Avec le recul de l’après-coup et une vision parfaite sur les évènements déjà passés, nous pouvons, probablement avec raison, questionner le leadership. Tirer des leçons des erreurs passées est important. Mais ne perdons pas de vue que si ce qui semblait un jour impossible est maintenant en train d’émerger, c’est grâce au leadership.
Le leadership revient donc à être ou à incarner quelque chose qui nous permet d’avancer; qui nous permet de s’engager envers un avenir parfois incertain. En s’efforçant d’ainsi saisir le sens profond du leadership, cela fait penser à la fameuse citation de Ghandi; citation qu’il n’a jamais prononcée telle quelle mais en des mots plus élaborés: “Vous devez être le changement que vous désirez voir en ce monde”. Voilà pourquoi le leadership est une habileté si difficile à développer et maîtriser. Elle s’enracine en profondeur dans qui nous sommes afin de faire ressortir ce que nous sommes prêts à défendre; qui nous sommes prêts à être ou à devenir. Voilà ce que représente la voie du leadership.
Des grands leaders visionnaires comme Steve Jobs ou Nelson Mandela ont accomplis de grandes choses à partir de réalités très différentes et avec des objectifs très différents. Ils ont néanmoins atteint leur but de la même manière: en partageant leur vision d’un monde meilleur; en se tenant debout pour ce en quoi ils croyaient; en prenant des décisions audacieuses dont l’aboutissement était risqué ou incertain; et en inspirant les gens à aller au-delà de ce qu’ils pensaient possible. Ils ont atteint leur but en incarnant ce en quoi ils croyaient; en étant à la hauteur de leurs ambitions; en étant des leaders. Le milieu de la santé a plus que jamais besoin de leaders authentiques. Il serait d’intérêt d’explorer plus avant ce que le leadership peut vouloir dire dans le milieu de la santé et comment le promouvoir mais il s’agit d’autres sujets intéressants pour de prochains articles…
En attendant, portez-vous bien et soyez heureux.
B.